industriel
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ambassadeur à Paris des villes libres d'Allemagne
Friedrich von Abel (1780- 1855)
Tout le monde connaît en vallée d'Aspe le lieu appelé "les Forges d'Abel". Beaucoup de jeunes Aquitains ont aussi découvert ce lieu à l'occasion de leur venue dans le centre de vacances qui s'y installa après la guerre. On peut considérer qu'avec le fort du Portalet, le tunnel ferroviaire et le chemin de la Mâture c'est un des lieux symboliques de la vallée. Mais qui peut précisément expliquer l'origine de cet Abel qui donna son nom à ce secteur.de la commune d'Urdos?
Pierre Machot, historien, auteur d'une thèse sur l'industrie sidérurgique dans les Pyrénées occidentales, a consacré un article à ce personnage dans le premier numéro, paru en 2006, de la Revue d'histoire industrielle des Pyrénées Occidentales: C'est à partir de son travail que nous vous proposons de découvrir l'histoire de cet ingénieur allemand, né à Stuttgart le 15 octobre 1780
Friedrich von Abel est issu d'une famille noble très influente politiquement dans le duché du Wurtemberg. Influencé par les idées républicaines, son père devint ambassadeur des villes libres d'Allemagne à Paris de 1801 à 1823.
En 1813, alors que Friedrich, jeune ingénieur, se rend en Espagne avec une brigade de mineurs allemands, il est bloqué à Bayonne par l'insurrection espagnole soutenue par les troupes anglaises qui mettent progressivement l'armée française en déroute. Il décide alors d'affermer la forge de Larrau, en très piteux état à cette époque et totalement isolée dans la montagne. Il va investir des sommes considérables pour transformer les lieux, bâtir un nouveau haut-fourneau et ainsi obtenir, vers 1819, des contrats avec l'armée pour fabriquer des boulets. C'est à Larrau qu'il fait la connaissance de Marie Iriart, fille de son commis, qui devient sa compagne. Cinq filles naîtront, entre 1815 et 1827, de cette union qui ne sera officialisée par le mariage qu'en 1844 à Oloron.
En 1822, Frédéric d'Abel sollicite une nouvelle concession minière à Urdos sur le site de la Herrère, emplacement où avait déjà était installé, sans succès, un haut fourneau dès 1803. Après quelques difficultés liées à des oppositions locales, il obtient l'autorisation royale d'exploitation le 13 décembre 1826. Toute la famille part s'installer à Sainte-Marie d'Oloron mais lui, reste domicilié à Urdos. D'Abel entreprend immédiatement la construction de sa nouvelle usine. Il va continuer à obtenir les marchés de l'armée pour la fabrication des boulets si bien que le Mémorial des Pyrénées peut signaler en 1844 qu'existe à Urdos "une vaste fonderie pour projectiles de guerre et pièces à l'usage civil".
Mais les affaires se gâtent. Le minerai se fait rare à Peyranère. L'usine ne fonctionne plus que cinq à six mois par an. Il commence à avoir des difficultés pour payer ses redevances aux communes d'Urdos, Cette-Eygun et Etsaut. Les maires lui accordent des sursis et tentent, entre 1851 et 1853, de trouver des solutions pour soutenir l'activité de la forge car elle fournit du travail, rappelle le maire d'Etsaut, "à un grand nombre d'ouvriers qui n'auraient à s'occuper que hors du pays".
A son décès en décembre 1855, Frédéric d'Abel n'avait guère fait fortune. Outre les forges, il avait acheté un domaine agricole à Lucq et une maison à Sainte-Marie. Mise en vente, les forges ne trouvèrent preneur qu'en 1862. Acquises par un maître des forges landais, elles ne furent pas remise en activité.
L'arrivée du chemin de fer et la construction du tunnel ferroviaire du Somport firent un peu renaître ce secteur désormais baptisé "Les forges d'Abel". La population fut même assez importante pour que s'y installe un petit marché et, dans l'entre-deux guerres, une école comme en atteste les deux photographies que nous reproduisons dans ce numéro. Mais, les ouvriers partis, le secteur retomba peu à peu dans l'oubli.
Pierre Machot, Frederic d'Abel et la sidérurgie pyrénéenne paru dans la Revue d'histoire industrielle des Pyrénées occidentales, 2006 n°1, P 25-36)